J’ai toujours aimé écrire, mais j’éprouvais un sentiment d’infériorité, car je n’ai jamais fait d’études supérieures. Depuis des années, j’ai souvent été sollicitée en famille ou entre amis, pour animer des anniversaires par des discours, ou des chansons. Cependant, comment me sentir à l’aise dans un « atelier » qui suppose un groupe de personnes de tous âges, de vies très diverses, de motivations différentes ? Je n’ai jamais osé faire la démarche.
Et puis j’ai rencontré Marianne qui intervenait dans une association de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Elle leur proposait, ainsi qu’à certains aidants, une « expression ». Quelques-uns ne pouvaient plus écrire, mais enfin ils étaient écoutés ! Leurs propos transcrits par les aidants sur papier devenaient leur voix intime. Leurs souvenirs anciens remontaient à la surface et intéressaient les participants. Leur isolement s’effaçait, ils faisaient de nouveau partie d’un groupe. L’espace de deux heures, ils redevenaient Vivants !
J’ai assisté à ce petit miracle de l’écriture, de l’écoute par la participation à ce groupe !
Apprenant que Marianne était animatrice pour « Fasila Rimer » à Mions, timidement, je me suis décidée et je participe à cet atelier depuis deux ans.
Les propositions d’écriture très diverses obligent à une discipline, dans un temps fixé. En direct il est difficile de soigner particulièrement son vocabulaire. Par contre, l’imagination est sollicitée immédiatement par le temps de réflexion limité. Cela m’a obligée à un gros effort d’écriture « directe ». Mais la participation à un groupe enrichit. À la lecture des textes : chez l’un, un certain humour est toujours présent, chez l’autre l’écriture débridée stupéfie par tant d’imagination, chez un troisième l’émotion affleure et fait trembler… Aucun texte n’est semblable et le groupe se soude, une certaine admiration plane, des sourires apparaissent, la joie de partager facilite les rapports, il arrive même que des bravos fusent…
MAIS : depuis un an nous vivons autre chose ! La distanciation !
Marianne nous demande un travail plus exigeant en vocabulaire, une expression plus fouillée, plus recherchée, une correction du style, de la présentation. Elle a raison. Nous devons réfléchir puisque le temps ne nous presse pas… Oui, mais l’improvisation disparaît, le travail devient scolaire, il deviendrait même un Devoir !
Vivement nos retrouvailles ailleurs que sur internet. Vivement le plaisir de se dire bonjour, de se mettre autour d’une table, de s’apprécier sans jugement, de s’imprégner de mots qui jaillissent spontanément !
Vivement la relation vraie, le regard, le sourire amical, la poigne de main ou la bise. Vivement Fasila « Rimer » sans distance au sein de l’Atelier !
Témoignage de Claudette