Je me souviens très bien des odeurs de mon ancienne maison. Une odeur légère de renfermé au sous-sol, où je dansais, m’amusais, chantais, courrais. Un parfum de lessive nous piquait les narines dès que Maman ou Papa lavait le linge. Dans la pièce d’à côté, ça sentait un peu la transpiration parce qu’on jouait au tennis de table, l’herbe fraîche coupée ou tondue, les poupées aux effluves de vanille, laissées là pendant certains jeux. Si l’on empruntait les escaliers avec cette lumière orangée, due à l’ampoule et aux couleurs chaudes des murs, si familière et chaleureuse, on reconnaissait facilement le relent de produit de cirage et de terre. Au fond du couloir, à droite, la chambre des parents. Cette pièce dégageait une odeur de papier, de livres, de vêtements, de parfum maternel et d’air renouvelé très régulièrement. On s’y sentait en sécurité, tous les 4 puis tous les 5 blottis dans un lit deux places, Maman et Papa rouspétant à cause de l’heure matinale à laquelle on s’était levés, comme chaque weekend. Notre premier réflexe au réveil était de courir dans leur chambre et de sauter dans leurs bras, pour se rendormir entre eux deux. En repartant vers l’entrée où l’air était frais et sentait les fleurs, on arrivait à ma chambre, que je partageais ensuite avec mon petit frère. Ce refuge de peluches, d’oreillers, de couvertures, de poupées et d’amis imaginaires me semblait très confortable. On y humait une fragrance de légèreté enfantine : chaude et agréable. Juste à côté se trouvait la chambre de ma sœur. Elle avait un doux parfum sucré, mais puissant ce qui contrastait parfaitement avec la faible émanation de ma sœur : frais et pétillant. J’avais toujours trouvé cela étrange, car ma chambre était imprégnée de mon odeur, elle restait sur ces murs verts, violets et jaunes ; alors que les murs couleur crème et rose du cocon de ma sœur semblaient dégager leurs propres parfums. Dans la salle de bain flottait une senteur de produits ménagers, de gel douche et shampoings en tout genre, de dentifrice poivré à la menthe ainsi qu’une douce et enivrante essence de lavande. Dans le salon, on sentait un bouquet boisé et chaud s’échappant du buffet et des tables en bois, qui se prolongeait dans la salle à manger. En marchant ou plutôt en sautillant vers la cuisine, on pouvait flairer toutes sortes d’épices, de gâteaux et de plats délicieux. Ce n’était pas trop agressif ni repoussant, sauf lorsque Maman faisait cuire des champignons. À l’extérieur, dans le jardin, on sentait les fleurs, plus particulièrement des hortensias, des marguerites et des violettes, l’eau de pluie fraîche, les cerises juteuses, la terre constamment retournée par les courses et les parties de chat perché. Du toboggan et des balançoires émanait une odeur de plastique, de corde et de bois. Ils étaient constamment habités par nos rires cristallins d’enfants et de pleurs furtifs. J’aimais beaucoup cette maison, toute colorée et dynamique, elle comportait presque tous les souvenirs de mon enfance.
Emma