Once upon a time, un pays occupé. Villes et villages entendaient les pas lourds des soldats qui défilaient.
Dans un petit appartement vivait La Mère, épaulée par une très jeune femme qui l’aidait pour le ménage et gardait ses deux fillettes, jumelles de cinq ans, quand elle travaillait.
Ce temps de guerre avait accueilli quatre autres membres de la famille, oncle, tante et leurs deux enfants, sans logement. Ils avaient trouvé refuge chez La Mère.
Il était alors si bon le moment où l’on se rassemblait autour de la seule chaleur existante, à la cuisine : un poêle à charbon. Ces moments chaleureux, dans tous les sens du terme, parfois drôles, permettaient d’oublier, un peu, l’horreur de la guerre.
Un jour, la catastrophe arriva : il n’y eut plus de charbon pour garnir le foyer du poêle.
La Mère se sentit la première concernée. Comment pouvait-elle faire pour que tous continuent à se chauffer ? Elle connaissait bien sûr quelques personnes qui venaient dans son officine pour récupérer des médicaments introuvables ailleurs. Mais, qui pouvait lui dire comment s’approvisionner en charbon, denrée rare, mais indispensable.
Deux jours passèrent. L’angoissant problème s’amplifiait.
Le troisième jour, le miracle arriva sous la forme d’un billet posé sur le paillasson avec ces mots providentiels :
« Bon pour 50 kg de boulets de charbon pour la belle, douce et généreuse apothicaire. »
La joie fut à son comble lorsque le charbon arriva. La curiosité aussi. Mais qui était ce généreux donateur ? Tous étaient perplexes. Les grands avaient une petite idée, les plus jeunes ricanaient. La Mère ne disait rien, mais avait deviné qui avait eu cette gentillesse.
Un jour, ne pouvant plus entendre toutes les élucubrations des uns et des autres, elle raconta.
La semaine précédente, un voisin était venu dans l’officine et n’avait pu s’empêcher de lui faire part de son désarroi. Sa fille de 18 ans se mourait, les médecins se reconnaissaient impuissants. Des souffrances atroces la clouaient au lit. La douleur était insupportable. Dans un élan de solidarité, l’apothicaire n’écoutant que sa générosité avait discrètement proposé de leur rendre service.
Le soir tombé, avant de sortir de son officine, elle s’était dirigée vers le placard avec la grande étiquette : « Substances dangereuses », l’avait ouvert, et avait retiré une toute petite boîte. Puis elle s’était rendue avec précaution, dans le noir, jusqu’à l’immeuble indiqué. Il ne lui fallut pas longtemps pour monter les trois étages et taper à la porte de la famille. La jeune fille dormait très profondément. La douce apothicaire ne songeait plus qu’elle allait commettre un acte illicite. L’état désespéré de cette jeune fille lui donna le courage de remédier à ses souffrances.
Pour n’éveiller aucun soupçon, le père de la jeune fille, ami d’un marchand de charbon, avait pensé au stratagème du petit mot posé sur le paillasson.
Cette histoire a valu bien des discussions et bien des larmes et voilà comment la famille eut la chance de se rassembler à nouveau près du poêle… en attendant des jours meilleurs.
Marie