Cette fontaine qui trônait au beau milieu de la place principale, la seule de ce petit village d’Espagne entouré de quelques montagnes : je l’ai bien connue. La maison de ma grand-mère se trouvait juste en face.
Ce bar, tout près de ladite fontaine, où tous les hommes du coin se retrouvaient pour boire, jouer aux cartes, et manger quelques tapas : je l’ai connu bien davantage encore. C’était là que, régulièrement, maman allait chercher papa.
Manolo, ses vaches, ses chansons et son adorable maison qui donnait, elle aussi sur la fameuse fontaine… témoin muet de tant de tranches de vie : je l’ai très bien connu aussi. C’est là que mes sœurs et moi trouvions refuge, et surtout un repas, quand notre grand-mère « oubliait » de nous nourrir.
Ce petit cours d’eau plein de charme qui serpentait tout le long du village et lui conférait un aspect bucolique et champêtre : je l’ai trop connu à mon grand regret. Car c’est là que j’ai perdu la précieuse pièce donnée par papa. Celle qui m’aurait permis de foncer chez l’épicier et d’y acheter quantité de délicieux bonbons.
Cette épicerie hors du temps avec son rideau de perles bariolées, véritable caverne d’Ali Baba : je ne l’ai pas suffisamment connue, ma pièce ayant fini sa course au fond du ruisseau.
La superbe maison de « Solès » – la meilleure amie de maman – perchée sur les hauteurs, où je fis preuve d’une belle débrouillardise pour me faire comprendre et qu’on me donne enfin à manger : je l’ai peu connue, mais je m’en souviens encore. Elle détonnait dans ce village à l’allure modeste, comme un bijou précieux au milieu d’un grand champ.
Soraya T.